Adoption définitive du projet de loi Climat & Résilience : les grandes orientations
A l’issue d’une Commission Mixte Paritaire (CMP) conclusive le lundi 12 juillet 2021 et après examen par le Parlement, le texte définitif du Projet de loi Climat & Résilience a été adopté cet après-midi. Celui-ci devrait être promulgué prochainement.
Ce projet de loi « Climat et Résilience » a mobilisé l’énergie de toute la fédération ces derniers mois pour alerter les pouvoirs publics sur l’incohérence de nouvelles mesures fiscales au moment même où les entreprises vont avoir besoin d’investir massivement et d’être accompagnées pour relever le défi de la transition énergétique du secteur.
Malgré notre démarche de pédagogie sur le rôle, l’utilité, la complémentarité de chacun des maillons de la chaîne transport et logistique, et en particulier du camion et de l’entrepôt, la version finale du texte reste très contraignante pour notre secteur.
Les grandes orientations du texte
L’incitation à accélérer la transition énergétique se matérialise par la création de nouvelles taxes (écotaxe) ou la suppression progressive de la ristourne sur le gazole routier professionnel (TICPE)
Les engagements de l’Etat concernant l’accompagnement à la transition énergétique restent très flous.
D’un point de vue plus positif, le travail mené en collaboration étroite avec France Logistique a porté ses fruits : la possibilité d’instituer une forme de moratoire sur les entrepôts logistiques du e-commerce n’a pas été retenue dans le texte final.
Notons que les prises de parole durant ces débats ont été beaucoup plus positives sur le transport routier de marchandises et la logistique que ce que nous redoutions : l’importance du camion a été plusieurs fois soulignée, y compris le fait qu’il resterait le mode principal de gestion des marchandises. Et l’entrepôt est mieux perçu comme un outil indispensable d’optimisation de ces flux.
Les mesures nous impactant le plus
- TICPE (Article 30)
La version finale acte la suppression progressive de la ristourne TICPE d’ici au 1er janvier 2030. Le texte issu de la CMP prévoit toutefois que la disponibilité industrielle et des réseaux d’avitaillement doit être prise en compte et que l’évolution de la fiscalité doit être accompagnée d’un soutien renforcé à la transition énergétique pour le secteur.
L’objectif de cet article est d’atteindre un niveau « normal » de TICPE au 1er janvier 2030. Toutefois, le texte ne précise pas la date à laquelle la fiscalité commencera à évoluer.
- ZFE (Article 27)
L’instauration d’une zone à faibles émissions mobilité est obligatoire avant le 31 décembre 2024 dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants. Les livraisons ne figurent plus parmi les dérogations, ni les véhicules dont l’usage ne se limite pas au transport de marchandises.
Interdiction de circulation par vignette :
Au plus tard le 1er janvier 2023 : fin des non classés et des vignettes 5
Au plus tard le 1er janvier 2024 : fin des vignettes 4
Au plus tard le 1er janvier 2025 : fin des vignettes 3
En pratique, la multiplicité des calendriers de mise en place des ZFE entrainera une très grande complexité de lecture (mise en place des plans de transport / déploiement des flottes de véhicule selon leur motorisation). Ce morcellement risque de générer des incompatibilités interterritoriales notamment pour les entreprises intervenant sur deux ou plusieurs collectivités.
- ECOTAXE (Article 32)
Le gouvernement peut prendre (pendant deux ans à l’issue de la promulgation de la loi) par voie d’ordonnance des mesures permettant d’instituer des écotaxes et ce à compter du 1er janvier 2024. La disposition est conditionnée au fait que les voies soient susceptibles de supporter un report significatif de trafic de véhicules en provenance de voies où ces véhicules sont soumis à une contribution spécifique. Il est prévu que les départements concernés ainsi que les régions et départements limitrophes des régions volontaires soient consultés pour la mise en place de ces contributions.
Enfin, il est acté que les départements peuvent étendre l’écotaxe sur leur domaine public routier (départemental) susceptibles de subir report.
- ECOCONDUITE (Article 31)
La CMP intègre dans le Code des transports une référence explicite à « la réduction de l’incidence de la conduite sur l’environnement » mais supprime la précision relative au programme de formation continue obligatoire (FCO).
- DPEF et informations extra financières (Article 33)
Les informations extra financières relatives aux conséquences sur le changement climatique (postes d’émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre liées aux activités de transport amont et aval de l’activité) accompagnées d’un plan d’action visant à réduire ces émissions s’appliquent aux déclarations de performance extra-financière (DPEF) afférentes aux exercices comptables ouverts à compter du 1er juillet 2022.
- Rapport du gouvernement – Responsabilisation des donneurs d’ordre (Article 33 ter)
Cet article prévoit que le Gouvernement remette un rapport sur les méthodes identifiées pour responsabiliser les donneurs d’ordre, tant sur le coût des premiers et derniers kilomètres que sur la transition énergétique et climatique de livraison de marchandises, afin de remettre la chaîne logistique au cœur des politiques de mobilité des biens. Cette disposition pourrait s’inscrire comme un prémisse de Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) en matière de marchandises.
Et maintenant ?
Malgré le vote de cette loi et son impact fiscal pour notre profession, nous devons continuer à avoir de l’ambition pour notre secteur et nous donner les moyens de réussir le virage vers ce nouveau modèle économique dans les prochaines années. Nous travaillons depuis plusieurs mois avec les énergéticiens, les constructeurs et l’Etat pour :
- Cadrer la transition énergétique du secteur dans un calendrier tenable ;
- Fixer des objectifs atteignables pour les transporteurs en fonction des offres de véhicules, d’énergies et de réseaux d’avitaillement disponibles ;
- Reconnaître l’engagement de la profession embarquée depuis longtemps dans la diminution progressive et durable de l’empreinte carbone de ses activités ;
- Penser la transition énergétique du secteur en renforçant la complémentarité multimodale de l’ensemble de la chaîne transport et logistique.
***************
Les autres mesures du texte
- Parkings végétalisés et ombragés (Article 24) : Les parcs de stationnement extérieurs de plus de 500 m2 doivent intégrer sur au moins la moitié de leur surface des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation. Ces mêmes parcs doivent également intégrer des dispositifs végétalisés ou des ombrières, concourant à l’ombrage desdits parcs sur au moins la moitié de leur surface. Ces obligations ne s’appliquent lorsqu’elles ne peuvent être satisfaite dans des conditions économiquement acceptables.
- Fin de la vente des véhicules lourds neufs affectés au transport de marchandises et utilisant majoritairement des énergies fossiles d’ici 2040 (Article 25).
- PTZ véhicules de – 2,6 T (Article 26A): La CMP met en place une expérimentation à compter du 1er janvier 2023 pour deux ans, instaurant un prêt à taux zéro pour financer l’acquisition d’un véhicule dont le poids total autorisé en charge est inférieur ou égal à 2,6 tonnes émettant une quantité de dioxyde de carbone inférieure ou égale à 50 grammes par kilomètre.
- Développement du fret ferroviaire et fluvial (Article 30 ter) : il est prévu le doublement de la part modale du fret ferroviaire et d’augmenter de 50% le fret fluvial dans le transport intérieur de marchandises d’ici 2030.
- Les péages peuvent être modulés en fonction du type de motorisation ou des émissions de dioxyde de carbone pour tenir compte des différences de performances environnementales des poids lourds (Article 31 C).
- L’article 48 définit la notion d’artificialisation.
- L’article 52 bis précise que dans le schéma de cohérence territoriale, le Document d’Aménagement Artisanal et Commercial (DAAC) devient le Document d’Aménagement Artisanal, Commercial et Logistique (DAACL) et impose dans le SRADDET (Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires) de fixer des objectifs moyen/long terme de constructions logistiques.
- A noter, l’article 78 prévoit la mise en place d’une feuille de route établie par les représentants des filières économiques, le Gouvernement et les représentants des collectivités territoriales cordonnant les actions mises en œuvre pour atteindre les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre fixés par la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone pour chaque secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre. Il n’est pas précisé si ces obligations seront applicables au secteur du transport mais cela est envisageable.